La grande salle. Giorgio Vasari pour Côme 1er de Médicis
al 09 mars 25
A l’occasion des 450 ans de la mort de Côme Ier de Médicis et de Giorgio Vasari, l’exposition au Palazzo Vecchio – promue par le Bureau de Florence du Patrimoine Mondial et des Rapports avec l’UNESCO de la Municipalité de Florence et par la Fondation MUS.E, avec le soutien financier du Ministère du Tourisme « Fonds Sites UNESCO et villes créatives » – offre l’occasion d’approfondir la connaissance de la décoration magnifique de la grande salle du Palazzo Vecchio, l’un des résultats les plus nobles du rapport entre le duc Côme, commanditaire de l’entreprise, et Giorgio Vasari, son principal artisan. La salle – née à la fin du XVe siècle et désormais mieux connue sous le nom de « Salone dei Cinquecento » (salle des Cinq-cents) – subit, en effet, une rénovation d’importance au cours des années soixante du XVIe siècle, lorsque le duc en encouragea la décoration en vue des festivités pour les noces du prince François, son aîné, avec Jeanne de Habsbourg, prévues en décembre 1565.
Les contrats furent paraphés en avril de l’année 1563 et eurent la contribution d’artistes, artisans et manœuvres : les murs furent surélevés d’environ 7 mètres, le plafond à caissons fut doté d’une solide installation en bois et orné d’une riche série de peintures, destinée à composer une carte historique et géographique symbolique de la Toscane, centrée sur le personnage de Côme. Sur le plafond, on distinguait en effet des épisodes de l’histoire de Florence et de ses victoires contre Pise et Sienne, flanqués des allégories des quartiers de la ville et des villes toscanes.
Le projet de décoration, ou invention, fut développé par Giorgio Vasari avec la contribution du docte Vincenzo Borghini et subit des changements déterminants aux cours des travaux, gravés pour ainsi dire dans les trois dessins élaborés par l’artiste au cours des phases successives : dessins présentés dans l’exposition – comme les lettres mentionnées plus loin – grâce aux prêts des Archives d’état de Florence et de la Galerie des Offices.
L’exposition, qui est inaugurée de façon symbolique à l’occasion du 16 décembre, anniversaire du jour où François Ier de Médicis et Jeanne d’Autriche entrèrent solennellement dans la ville, fêtés par d’opulents décors éphémères jusqu’au palais ducal, présente au public un approfondissement sur cette grandiose élaboration artistique, pivot du programme de rénovation entamé par Côme pour le palais ducal et exécuté par Giorgio Vasari avec une équipe pluridisciplinaire d’ouvriers. Outre les projets du plafond, les dessins préparatoires de certaines scènes de celui-ci ainsi que des murs y sont exposés, en lien avec la touche de Vasari : rappelons les dessins de la Presa di Porta Camollia (la Prise de Porta Camollia) et de la Battaglia di Marciano (la Bataille de Marciano), évoquant les fresques pour la guerre de Sienne, ou ceux pour le plafond qui illustrent l’épisode où Papa Eugenio IV consegna la propria insegna ai Capitani di parte guelfa (Pape Clemente IV remet son blason aux Capitaines de la Partie Guelfe) ou encore celui où Cosimo che studia la conquista di Siena (Côme étudie la conquête de Sienne), concernés par un changement de réalisation important étant donné que le duc demanda d’être entouré de ses qualités au lieu de ses conseillers. En exposition, on trouve encore le témoignage de la lettre écrite par Côme à l’artiste : « Messer Giorgio Nostro carissimo. La descrittione […], con il disegno che Ci mandate con essa per la sala grande et suo palco, Ci piace assai, massime dimostrando li principi dello stato et a poco a poco la sua propagatione. Due cose per hora Ci occorre ricordarvi, L’una che la corona et assistenza di quei consiglieri che volete metterci atorno nella deliberatione della guerra di Siena non è necessaria, perché Noi soli fummo, ma si bene vi si potrebbe figurare il Silentio, con qualche altra Virtù che representessi il medesimo che li consiglieri. L’altra, che in uno di quei quadri del palco si vedesse tutti li stati Nostri insieme, a denotare l’ampliatione et l’acquisto, oltre che son necessarie ancora in ogni historia qualche motto o parole, per maggiore espressione del figurato. Da Pisa li 14 marzo 1563. El Duca di Fiorenza a Giorgio Vasari, Pittore et architetto nostro carissimo a Fiorenza.» (ASFi, MdP, 219, c.70, copialettere) ».
Il y est présenté, en effet, une série de lettres précieuses pour comprendre la genèse et le processus de cette entreprise, fruit d’échanges nourris et de mises à jour, où se distingue l’avis de Michel-Ange à ce propos : en 1560 déjà, Vasari montrait à Rome une maquette en bois de la salle à Buonarroti en en recueillant l’influente opinion : « Illustrissimo Signor Duca. Io ho visto e disegni delle stanze dipinte da Messer Giorgio e il modello della sala grade con il disegnio della fontana di Messer Bartolomeo che va in detto luogo. Circa alla pictura m’’è parso veder cose maravigliose, come sono e saranno tutte quelle che sono e saran fatte sotto l’ombra di V.E. Circa al modello della sala così come è i par basso: bisognerebbe, poi che si fa tanta spesa, alzarla al meno braccia 12.» (ASFi, MdP, 484, c.593) ».
En vitrine, il est aussi exposé un journal des Fabbriche Medicee, dont les liasses sont conservées aux Archives d’état : il s’agit de témoignages utiles pour comprendre les détails des différentes interventions – protagonistes, rétributions, délais – soigneusement enregistrés par les fonctionnaires du palais ducal parmi lesquels figurent, par exemple, le paiement en 1570 à Taddeo di Francesco, batteur d’or, pour 3500 feuilles d’or, utiles pour « mettere doro gli ornamenti delle storie delle facciate di detto salone» (ASFi, FM 5, c.23v) ».
A la réussite de cette entreprise, coordonnée par Vasari et mise en œuvre entre 1563 et 1565 (à l’exception des fresques), ont concouru les protagonistes des Fabbriche Medicee : parmi ceux-ci, Bernardo d’Antonio di Monna Mattea en tant que maître maçon, Battista di Bartolomeo Botticelli comme maître ébéniste ; Stefano Veltroni, Tommaso di Battista, Orazio Porta et Marco da Faenza en tant que décorateurs ; Giovanni Stradano, Giovanni Battista Naldini et Jacopo Zucchi comme peintres.
Ainsi, en décembre 1565, le prince François et Jeanne d’Autriche purent célébrer leurs noces dans le nouveau et prestigieux salon, offrant à tous les invités un spectacle visuel d’exception : comme le rapporte Domenico Mellini, dans la salle bondée de gentes dames et de gentilshommes florentins et d’hôtes autrichiens et allemands, eut lieu le spectacle théâtral de La Cofanaria de Francesco d’Ambra suivi d’un somptueux banquet. Douze grandes lumières pendaient du plafond en guise de couronnes, tandis que les longs murs étaient ornés de dix toiles monumentales avec des vues de villes toscanes, entrecoupées de lumières et de boules en cristal remplies d’eau de différentes couleurs, « che rendevano per la trasparenza d’un gran lume che gli era dietro a quel corpo diafano che faceva un grandissimo splendore». L’aménagement définitif des murs est et ouest sera entrepris quelques années plus tard en accueillant six scènes militaires grandioses retraçant les guerres contre Pise et contre Sienne.
L’ensemble de la décoration, avec la Salle des Audiences déjà réalisée dans les années quarante sur l’extrémité nord (la fontaine prévue pour l’extrémité opposée ne fut jamais installée), s’impose toujours comme une attestation éloquente du pouvoir. Elle glorifie le rôle et les hauts faits de Côme 1er de Médicis mais est aussi le témoignage des capacités polyédriques de l’artiste et architecte Giorgio Vasari, à même de coordonner un projet plutôt complexe, tout en y travaillant personnellement, en des temps extrêmement rapides.